À l’ouest de Faro

Après un réveil très matinal et un petit déjeuner rondement ingurgité, nous nous ruons de nouveau sur les routes « Slow Motion » afin de savoir s’il est si bon d’être à l’ouest en Algarve. La première étape coïncidera également avec la seule véritable déception du trip : Albufeira.

Si le charme de la vieille ville ne se conteste pas, il saute aux yeux qu’un élément essentiel d’un lieu où on se sent bien a été totalement supprimé : l’âme. Hélas oui Albufeira a perdu, ou plus certainement vendu, son âme au business : pubs bruyants et sans intérêt en rang d’oignons, boutiques de souvenirs plus chinois que portugais, plus d’ATM que d’habitants ou restaurants aux menus interminables… N’en jetez plus : Dollar m’a tuer ! L’immense Praia do Peneco certainement très belle dans sa jeunesse porte aujourd’hui les stigmates de la chirurgie inesthétique du tourisme de masse avec des bains de soleil alignés à perte de vue, le sable que l’on peine à deviner sous la masse disgracieuse des trop nombreux visiteurs et même un ascenseur (!) permettant de descendre sur la plage.

C’est ainsi que prestement et après un slalom géant entre quelques britanniques rouges vifs et titubants, nous avons repris la route vers des contrées, l’espérons-nous, plus hospitalières !

C’est à l’intérieur des terres que nous retrouvons un peu de calme et de sérénité. Nous nous arrêtons à Alcantarilha où se trouve, d’après notre petit guide, « a capela dos ossos » (la chapelle des os). Après une investigation digne de « la carte au trésor » auprès des habitants du village et la visite des deux charmantes églises du village, nous trouvons la fameuse chapelle effectivement décorée d’os et de crânes de 1500 fidèles !

Revigorés par cet intermède très « Burtonesque », nous filons vers le village de pêcheurs de Ferragudo préservé des grands hôtels ou autres infrastructures du tourisme de masse. Un petit havre de paix qui nargue les tours de la « praia da rocha » de l’autre côté de l’estuaire de Portimao et où les mouettes semblent veiller sur la tranquillité des lieux.

Nous en faisons le tour puis l’appel du ventre nous mènera dans un troquet de Portimao, ville sans grand intérêt mais son quartier central d’Alameda assez typique offre un cadre plutôt agréable pour la boustifaille !

Malgré mon aversion viscérale pour les grandes plages calfeutrées derrières des barres d’immeubles, je ne résiste pas à l’envie d’aller faire trempette dans les eaux de la Praia da Rocha, la plus fameuse plage d’Algarve. Une fois ma démonstration de grâce aquatique digne d’un octogénaire sclérosé passée, nous décidons de mettre le cap sur Lagos.

Cité iconique et historique de l’Algarve, ancien port marchand prospère, Lagos, au contraire d’Albufeira, a réussi à prendre le virage du tourisme de masse tout en conservant son caractère, son identité. Ce bijou que je vous invite à Googliser, incite instantanément à la marche, à la flânerie, à la découverte, à la poésie, à… Houlà je m’emporte là pardon.  Son centre-ville intact aux splendides demeures du XVIème a réussi à intégrer quasi naturellement les bars ou restaurants destinés à une clientèle essentiellement anglo saxonne, comme si l’assimilation était dans les gênes de Lagos ou comme si Lagos était une belle femme portugaise qui parle avec l’accent anglais. Et à deux pas du centre-ville, en bord d’océan se trouvent des formations rocheuses à la couleur unique, de petites plages de sable fin ou encore de petites grottes marines… L’ensemble donne à Lagos un aspect unique et inoubliable que j’invite à découvrir sans aucune modération !

Le doux soleil d’octobre commence déjà à décliner lorsque nous quittons la ville et la raison voudrait que nous rentrions sagement à Faro pour profiter tranquillement de la fin de notre petit séjour mais une idée m’obstine depuis mon arrivée au Portugal : aller au bout du bout du la pointe sud du pays. Il s’agit manifestement d’une envie plus spirituelle que touristique à proprement parler, le symbole de la destination finale, l’image de l’océan comme seul horizon et toutes les rêveries qui vont avec. Il fait nuit noire quand nous longeons la côte et traversons Sagres avec pour objectif final Cabo San Vicente. La route est étroite, la visibilité moyenne et l’humidité omniprésente : nous sommes rentrés dans une autre atmosphère. A notre arrivée au Cabo, nous croisons quelques chiens errants et des surfeurs en combinaison. L’ambiance est spéciale : peu de lumière, le point de vue principal qui surplombe l’océan est totalement dans le noir, nous n’entendons que le fracas des vagues en contrebas et quelques aboiements. Une vraie ambiance de fin du monde et le début d’un autre. La température est largement en dessous des 10 degrés et nous décidons donc de clôturer notre trip avec un bon chocolat chaud dans une sympathique taverne à la lumière tamisée et à l’ambiance décontractée. Mission accomplie, même dans le noir.

Le retour vers Faro se fait dans le calme et la sérénité et c’est du sommeil des Justes que nous passons notre dernière nuit en terre lusitanienne.

Sa mère, j’ai vu le bout du monde…

Il existe des endroits sur cette planète où il ne suffit que de quelques instants sur place pour savoir qu’on ne s’y sentira jamais vraiment à l’aise, jamais vraiment un peu chez soi… Et puis il y a l’Algarve où tout est spontané, immédiat. La chaleur humaine de ses habitants y fait beaucoup évidemment mais il y a autre chose : cette sérénité et ce calme si présents dans l’atmosphère incitent le voyageur à la découverte, la contemplation mais aussi à l’introspection. En seulement deux jours je me suis senti imprégné d’une sensation de paix intérieure quasi mystique, moi qui ne crois en rien. Allez donc vous confronter à l’Algarve chers amis, allez tâter le sable des jolies plages de Lagos, allez vous casser le ventre pour pas un rond, allez vous acheter des slips bariolés, allez parler aux mouettes, allez rouler à 60 sur l’autoroute, allez-y l’Algarve vous attend* !

Mais sinon : sa mère, j’ai vu le bout du monde…

*Ceci n’était pas un message de l’office du tourisme d’Algarve.

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